La place des personnes transgenres dans le sport : de Mark Weston à Renée Richards deuxième partie d'un article coécrit par Alice Billia et Salomé Cadon
La Fédération Internationale d’Athlétisme a mis en vigueur le 23 mars 2023 une politique visant à exclure des catégories féminines les athlètes transgenres ayant eu une puberté masculine, catégories que la fédération entend « protéger » selon son président Sebastian Coe. Les athlètes transgenres hommes et femmes pouvaient jusque-là participer aux épreuves mais en régulant leur taux de testostérone pendant au moins 12 mois avant de concourir. La fédération considère les preuves que les femmes transgenres n’ont pas d’avantages physiques sur les femmes cisgenres insuffisantes. Le règlement a aussi été durci à l’égard des athlètes intersexes, des décisions qui déçoivent les associations sportives de défense LGBTQI+. Si les Jeux Olympiques sont ouverts aux personnes transgenres depuis 2004, de nombreuses personnalités ont affirmé leurs identités transgenres bien avant. C’est à travers 3 portraits que nous allons les découvrir.
Mark Weston
Né au début du 20e siècle, Mark Weston, est l’un des premiers athlètes ouvertement transgenres. Avant son opération en 1936, il était l’un des meilleurs athlètes britanniques des années 20 dans les catégories femmes : champion national du lancer de javelot et de disque en 1929, titré au lancer de poids en 1925, 1928 et 1929, il termine également 6e dans la catégorie lancer de pois à 2 mains lors des Jeux Mondiaux féminins en 1926. Une fois son genre, son sexe et son nom modifiés, Mark Weston se retire des compétitions et arrête complètement le sport pour devenir masseur. Quelques mois après son opération, il se marie et aura 3 enfants avec son épouse. Il confiera plus tard qu’il se sentait de genre féminin jusqu’à sa participation aux Jeux Mondiaux de Prague en 1928, jeux au cours desquels il réalise qu’il est un homme et ne se sent pas légitime de concourir dans les catégories féminines.
Mark Weston et sa femme en 1936
Zdeněk Koubek
A la même époque que Weston, Zdeněk Koubek était un athlète transgenre tchèque de grande renommée. Il atteint son premier record d’athlétisme à l’âge de 19 ans en 1932 et en obtiendra 5 de plus peu de temps après. En 1934, il obtient 2 médailles aux Jeux Mondiaux féminins de Londres et y bat 2 records du monde. La même année, il devient quintuple champion de son pays en 100m, 200m, 800m, saut en longueur et saut en hauteur en catégories féminines. En raison de son excellente performance, ses comportements considérés comme masculins et sa nature non-genrée, des rumeurs courent sur la possibilité qu’il ne soit pas une femme : une requête anonyme sera même déposée pour que Zdeněk subisse une inspection médicale afin de vérifier qu’il ne mente pas sur son genre. Il quitte le sport en compétition peu de temps après et révèlera dans une biographie de 20 parties, The World Record Woman, que le genre féminin qui lui a été attribué à la naissance est le mauvais et comment cela l’a affecté toute sa vie. En 1936, il part 6 mois aux Etats-Unis pour se faire opérer et légalement changer son nom en Zdeněk Koubek.
Zdeněk Koubek en 1935
Renée Richards
Après avoir joué au tennis en amateure pendant plusieurs années, et ce tout en exerçant la profession d’ophtalmologue, Renée Richards entreprend secrètement une opération en 1975 pour changer de sexe. Elle commence alors une carrière professionnelle de tenniswoman. Mais en 1976, un journaliste la perce à jour et le public apprend tout de son identité transgenre : la Fédération de Tennis des Etats-Unis lui refuse le droit de concourir à l’US Open. Renée Richards porte l’affaire devant la Cour Suprême et gagne son droit de continuer à jouer. Elle atteint par la suite le 20e rang mondial de la Women’s Tennis Association en 1979 et sera finaliste de l’US Open de 1977 en double-dames, tout cela avant d’abandonner le tennis en 1982 pour reprendre son métier d’ophtalmologue. Elle publiera une autobiographie, Second Serve, adaptée en téléfilm en 1986.
Renée Richards en conférence de presse
Il est intéressant de voir comment les médias de l’époque traitent les situations de Weston et de Koubek, avec des Une comme « où allons-nous si maintenant hommes et femmes peuvent changer de sexe aussi aisément que de chemises ? », « les transformations de sexe continuent d’être à la mode ! » (Paris Soir), ou dans Le Petit Journal : « serait-ce une épidémie ? ». Si les personnes transgenres subissent de nos jours des discriminations, le 20e siècle était tout aussi dur, voire peut-être même pire. Ces 3 athlètes ont arrêté le sport après avoir révélé être transgenre, ce qui est révélateur de la pression sociale de l’époque, et notamment dans l’univers sportif. L’histoire de Renée Richards apporte heureusement un peu d’espoir : elle réussit à se battre pour faire accepter son identité par la justice et continue pendant plusieurs années sa carrière de tenniswoman. Ces athlètes ne sont pas les seuls à avoir courageusement affirmé leur identité de genre, d’autres athlètes ont aussi participé à l’émergence d’un monde sportif de plus en plus ouvert, comme la danseuse polonaise Sophie Smetkowna, ou plus récemment le champion de triathlon Chris Mosier et la cycliste Rachel McKinnon.
écrit par Alice Billia
Sources texte :
https://www.larotonde.ca/6-athletes-trans-ont-marque-monde-sport/
https://www.makingqueerhistory.com/articles/2019/5/30/zdenk-koubek
Sources images :
(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Mark_Weston_%28athl%C3%A8te%29