Les femmes dans la recherche médicale : pourquoi sont-elles marginalisées ?

En cet Octobre Rose dédié à la lutte contre le cancer du sein, NOUS vous proposons un article historique sur la place des femmes dans la recherche médicale !

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4 min ⋅ 22/10/2024

Les femmes ont longtemps été les grandes oubliées de la recherche en médecine. Dans l’Histoire, le corps de référence a toujours été celui de l’homme, le corps féminin étant relayé à des fonctions purement procréatrices. Aujourd’hui, les femmes souffrent de ce manque de connaissances qui les affectent tant au niveau du diagnostic de certaines pathologies que des effets secondaires de médicaments. Si la recherche a grandement évolué, des efforts sont encore à fournir.

Des inégalités qui remontent à loin

Dans l’Antiquité, les femmes et l’hommes étaient traités de manière très inégalitaire. Le corps féminin était vu comme une simple dérivation du corps masculin. Un dérivé de nature maladif, contrairement à celui de l’homme considéré comme un corps de santé.

Les hommes sont la référence. Au 18ème et 19ème siècle, certaines maladies sont sous-diagnostiquées chez les femmes car elles sont considérées comme des maladies masculines. A symptômes équivalents, différentes pathologies seront diagnostiquées. Par exemple, les femmes atteintes de nymphomanie étaient considérées comme malades et faisaient l’objet de condamnations religieuses et médicales. Tandis que chez les hommes, les mêmes symptômes étaient plutôt considérés comme positifs car marques de virilité.

La mise en tutelle des femmes est justifiée par des explications biologiques : leurs os sont plus petits que ceux des hommes, leur peau plus fragile, leur cerveau moins développé…etc. Les femmes sont marginalisées car elles ont un corps plus fragile et une autonomie intellectuelle soi-disant moins bonne.  

L’empreinte de la religion est aussi très présente : pour expier le péché d’Eve, les femmes enfanteront dans la douleur. La douleur chez les femmes (pendant les règles et pendant l’accouchement) est vue comme une chose naturelle sur laquelle il n’est pas nécessaire de faire de recherches médicales. Il est de tradition de les laisser souffrir.

C’est seulement à partir du 19ème siècle que la spécificité féminine entre en médecine : c’est la théorisation des corps. Cette avancée est notamment due à l’émergence de la médecine expérimentale. Mais si l’on prend en considération la femme, c’est seulement dans une position d’infériorité par rapport à l’homme : elle n’a qu’un rôle de mère et d’épouse. C’est une génitrice à la fois dans la société que dans la médecine, où l’on étudie uniquement ses capacités procréatrices. C’est d’ailleurs à cette époque que naissent les métiers de médecin accoucheur et sage-femme.

La sociologue Monique Membrado explique : on passe de l’oubli des femmes en médecine à leur particularisation. Leur fonction maternelle structure leur représentation médicale et sociale, et ce encore de nos jours.

Avec le siècle des Lumières vient les premières tentatives de soulagements chimiques. Pourtant, les réelles avancées dans ce domaine arrivent bien plus tard : ce n’est que dans les années 80 que la péridurale est utilisée en France, et l’endométriose n’est reconnue par la médecine que depuis très récemment (en septembre 2020, reconnue comme une Affection de Longue Durée en janvier 2022).

L’enjeu des essais cliniques

A la fin des années 50, le scandale de la thalidomide entérine la représentation des femmes comme des corps enceints auxquels il ne faut pas toucher : des médicaments contenant de la thalidomide sont commercialisés par un laboratoire allemand et délivrés aux femmes enceintes comme sédatifs. Mais cette substance provoque des malformations chez les bébés et entraîne plusieurs décès dans le monde entier. Les femmes enceintes sont alors exclues des essais cliniques dans le but de protéger d’éventuelles grossesses. Mais cette exclusion s’étend aussi, et injustement, aux femmes qui ne sont pas enceintes.

La quasi inexistence des femmes dans les essais cliniques entraîne un manque de connaissances sur leurs corps. On estime que ce qui s’applique aux hommes est aussi valable pour les femmes alors que des différences fondamentales existent entre les 2 (au niveau des symptômes, de la fréquence des maladies, des effets secondaires des médicaments).

Photographe : De Gevende (National Geographic)

Petit à petit, la place des femmes dans la recherche médicale s’améliore. Cela est notamment dû à l’augmentation du nombre de femmes médecins dans la profession, ainsi qu’à des mouvements féministes de grande envergure, surtout dans les années 60. D’abord sur le sujet de la contraception et de la maternité, puis petit à petit dans d’autres domaines médicaux.

C’est aux Etats-Unis que se développe la recherche en médecine en fonction du genre. En 1993, la Food and Drug Administration (FDA) publie un rapport actant que la faible participation des femmes aux essais cliniques entraîne un réel manque d’informations sur leurs corps, sur l’efficacité des traitements qui leur sont réservés et sur les effets indésirables des médicaments qui leur sont administrés. 15 ans plus tard, l’OMS créé un « Département Genre et Santé de la Femme » : la question prend alors une dimension globale.

En Europe, c’est seulement dans les années 2000s que des structures axées sur la médecine genrée se mettent en place (Allemagne, Suède, Pays-Bas, France, Irlande).

Une évolution contrastée

Aujourd’hui, la médecine a très nettement évolué. Mais tout n’est pas gagné : les femmes sont toujours sous-représentées dans les études cliniques et leur représentation est encore trop axée sur leurs capacités de procréation. Les stéréotypes sociaux influencent le milieu médical. Pour cette raison, elles sont exclues de la construction des grands problèmes de santé publique tels que le VIH, l’alcoolisme ou les maladies cardio-vasculaires. En 2016, l’Académie Française de Médecine rappelait que les femmes sont jusqu’à deux fois plus sujettes aux effets secondaires des médicaments que les hommes car elles sont justement trop peu présentes dans les essais cliniques.

D’autres exemples : les femmes ne sont présentes qu’à hauteur de 30% dans les études sur les maladies cardio-vasculaires alors qu’elles en représentent 51% des décès : cela s’explique par le fait que ces maladies ont longtemps été considérées comme exclusivement masculines. Elles meurent plus souvent d’infarctus justement parce qu’elles n’en reconnaissent pas les symptômes ou qu’elles ont tendance à les minimiser.

La médecine est empreinte de tabous : l’endométriose, qui touche pourtant 10% des femmes en France, n’a été reconnue et étudiée il y a seulement quelques années.

Selon la Revue Médicale Suisse, l’inclusion totale des femmes comme des sujets d’études nécessite une prise de conscience médicale mais aussi sociale, politique et législative. L’avancée scientifique va de pair avec la reconnaissance institutionnelle sur le sujet.

Article écrit par Alice Billia.

Sources utilisées :

https://www.radiofrance.fr/franceculture/sante-des-femmes-une-tres-lente-prise-en-compte-depuis-l-antiquite-6713970

https://www.liberation.fr/societe/sante/dans-la-recherche-en-medecine-les-femmes-lesees-de-bout-en-tabou-20231024_5J6DTEZGIZDN7IOH2RTVMWAUZY/

https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2015/revue-medicale-suisse-487/les-femmes-oubliees-de-la-recherche-clinique

https://www.humanite.fr/societe/endometriose/endometriose-160-ans-pour-que-la-science-sinteresse-a-la-souffrance-des-femmes

https://shs.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2006-2-page-16?lang=fr

https://museum.toulouse-metropole.fr/de-la-necessite-de-considerer-le-genre-en-recherche-biomedicale/

Image : https://www.nationalgeographic.fr/sciences/2019/12/essais-cliniques-un-enjeu-pour-la-sante-des-femmes

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Par N.O.U.S

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